Un tracteur en guise de totem, des formules chocs, un ton décalé... De l'e-mailing aux réseaux sociaux, des podcasts au site web, l’agence experte en growth hacking Germinal frappe fort côté style.
Dans le registre plutôt conventionnel de la communication B to B, ce parti-pris éditorial détonne.
Comment est né ce tone of voice singulier ? La tonalité éditoriale d’une marque joue-t-elle un rôle dans sa stratégie globale? Et comment un Manifeste en grosses lettres blanches sur fond noir peut-il servir les objectifs business ?
Jordan Chenevier-Truchet, CMO de la marque, a bien voulu répondre à notre avalanche de questions.
Jordan, peux-tu nous rappeler ce qu’est Germinal?
Chez Germinal, on aide les entreprises à faire leur acquisition en ligne. On les accompagne dans la gestion de leur croissance, en actionnant toutes les stratégies qui permettent de trouver de nouveaux clients et les convertir, en exploitant les divers canaux possibles : réseaux sociaux, social selling sur LinkedIn, référencement naturel, mais aussi démarchage e-mail, marketing automation, etc.
Nous avons deux moyens d’action : prendre les rênes et mettre en œuvre, c’est la partie agence de Germinal, et apprendre à nos clients à exécuter eux-mêmes leur stratégie de croissance, en les formant. C’est « L’Antichambre ».
Quel est ton rôle ?
En tant que CMO, je suis en charge de développer le business chez Germinal, en activant de multiples leviers, de la mise en place de la stratégie à son suivi opérationnel.
Je travaille également sur la mise au point d’éléments utiles à la rétention des utilisateurs de L’Antichambre, notamment via des systèmes d’affiliation, et je mets en place des actions de parrainage, avec Station F par exemple.
Germinal fait référence au mois de la germination dans le calendrier révolutionnaire français : c’est le mois de la croissance, une référence directe à la terre !
Maintenant, entrons dans le vif du sujet : c’est quoi au juste, cette histoire de tracteur (l’emoji associée au nom de Grégoire Gambatto 🚜, le CEO, sur son profil LinkedIn )?
En fait, ça part d’une petite blague, qui a pris ensuite de l’ampleur !
Repartons à la source. Notre nom Germinal fait référence au mois de la germination dans le calendrier révolutionnaire français : c’est le mois de la croissance, une référence directe à la terre ! Avec un tel point de départ, la marque affirme clairement un positionnement en décalage avec les codes traditionnels de la startup nation. C’est notre but.
L’histoire du tracteur est née au cours d’un séminaire en Normandie. On a fait une photo de l’équipe avec un tracteur qui se trouvait là, on l’a postée sur les réseaux sociaux… et ça a fait marrer les gens. On a constaté un vrai retour, un engouement autour de cette image, à l'opposé de la symbolique des start-ups (en général on utilise plutôt la fusée !) En se démarquant, on a trouvé un réel écho auprès du public… Et le symbole est resté.
Pourtant Germinal, la forge, l’antichambre, la mine…. Il n’y a pas un peu de référence à Zola dans tout ça ?
Pas de référence directe, mais c’est vrai que l’époque correspond. Germinal se place dans une thématique qui fait référence à la fin du 19ème siècle.
L’un de nos premiers podcasts s’appelait « Du fin fond de la mine ». Dans notre champ lexical, le mot « brut » revient souvent. On joue beaucoup sur l’évocation d’une période à l’ambiance de travail dure, efficace, où l’on « va au charbon ». C’est l’idée que l’on veut dégager pour exprimer notre manière de travailler, très opérationnelle, avec une volonté de résultat rapide, de croissance forte pour nos clients.
Se positionner dans le passé c’est aussi jouer le décalage par rapport aux codes attendus de la start-up, d’habitude plutôt tournée vers le futur. Ce ton décalé, avec une bonne dose d’humour, fait aussi notre identité.
C’est juste de la cohérence. On veut dégager une identité forte, et pour se démarquer on travaille sur la référence au passé. Notre idée, c’est de montrer que l’on peut faire de la technologie, avoir un niveau top et pour autant s’ancrer dans une époque brute, noire.
Justement. Avec des phrases qui claquent, des mots choisis, vous affirmez via l’écriture (site web, e-mailings, réseaux sociaux, etc.) une identité fortement marquée. Comment définissez-vous le style éditorial de Germinal ?
En dehors de ces éléments, brut, noir, référence au passé, l’ambition est d’avoir une communication franche et spontanée. Cela peut amener le côté "formules choc".
En fait on distingue deux approches différentes, selon nos deux axes de proposition :
pour Germinal, notre formule « agence » donc activité de service, aussi appelée « La Cavalerie », on privilégie une communication d’experts. L’idée est de poser clairement notre valeur ajoutée en prouvant notre fort degré d’expertise, en affirmant notre compétence ; c’est là que l’on utilise des termes directs. Nous sommes « des brutes de l’acquisition en ligne ».
côté Antichambre, notre offre de formation, le ton est plus inclusif. L’objectif est de faire comprendre au public que nous allons l'aider, que nous le comprenons. Le ton est positif, engageant. On pourrait le résumer par une formule de type : « On va faire de vous des gens encore plus experts que nous ! » Notre démarche s’inscrit dans la générosité : c’est en donnant que l’on reçoit, les clés que l’on vous transmet vont produire des résultats immédiatement vérifiables, nous sommes créateurs d’un cercle vertueux, etc.
Nous nous appliquons la méthode que nous vendons à nos clients. C’est une vraie preuve d’expertise !
Quel est le raisonnement qui a mené à ce parti-pris ?
Le souhait est de faire comprendre notre exigence de transparence totale : c’est ce qui motive l’utilisation d’un ton direct, impactant, positif.
Notre activité, le growth hacking, est récente, très technique, encore observée par les entreprises qui ne savent pas toujours à quoi elle correspond de manière concrète. C’est une activité liée à la performance.
Pour nous positionner en experts, nous travaillons à nous appliquer à nous-mêmes ce que nous proposons à nos clients : être dans la recherche de cette performance en exploitant plusieurs canaux de communication différents, des points de contact variés avec les prospects. En B to B, plus une personne ou une entreprise prend la parole sur des canaux multiples, plus elle va acquérir de la crédibilité. Plus on va nous voir, plus cela va générer du business. Nous nous appliquons la méthode que nous vendons à nos clients. C’est une vraie preuve d’expertise !
Spontané, franc, direct : ces mots-clés ont été identifiés dès la création de Germinal par les cofondateurs. Ils posaient dès le départ le style de communication, et la promesse essentielle qui est toujours la nôtre : « On exécute comme des brutes, hyper vite, on va pousser les meubles, tout secouer ».
Comment êtes-vous organisés en interne pour faire respecter cette cohérence ?
C’est notre travail du moment. Actuellement nous sommes 25 collaborateurs chez Germinal. Une grosse partie de l’équipe travaille en immersion avec nos clients, elle doit constamment s’approprier l’identité du client. L’équipe marketing de son côté doit « transpirer » l’identité de Germinal.
Faire le lien entre ces deux stratégies, partager entre nous la culture de l’entreprise est un objectif qui nous paraît essentiel. On a beaucoup structuré et défini l’identité de Germinal durant les 6 derniers mois. Notre intention est que l’ensemble des équipes s’imprègnent pleinement de cette culture qui fait la marque Germinal. Des ateliers vont se dérouler en novembre pour aligner tout le monde sur cette identité, et partager la charte éditoriale que nous venons de mettre au point…
Qu’est-ce qui est le plus complexe dans la mise en œuvre de votre stratégie éditoriale ?
Depuis la création de Germinal, cette partie de l’activité a surtout été prise en charge par l’équipe fondatrice. C’est d’abord Grégoire Gambatto, le fondateur, qui a donné le ton. Alain Briez notre expert communication, Kevin Duchier le DRH et moi-même prenons en charge cet aspect pour beaucoup.
A deux ans et demi d’existence, en pleine croissance impliquant l’arrivée de nouveaux collaborateurs, il faut cadrer la démarche.
Nous devons donc documenter la question, en créant des textes de référence. Cette étape est indispensable pour embarquer tout le monde. La question se pose par exemple sur la manière de s’adresser à nos publics : on tutoie ou on vouvoie ? Ce qui paraît évident au départ, quand on fonctionne en équipe réduite, peut faire débat dès que l’on se développe. On s’aperçoit qu’il faut des règles !
Aux nouveaux arrivants, comment présentez-vous ce point ?
On leur fait diverses présentations, assez basiques. Le travail de fond mené sur notre identité va permettre d’approfondir cette phase liée à la culture de la marque. Pour être précis, la plupart des personnes qui viennent chez Germinal ont conscience de la personnalité de l’entreprise : c’est d’ailleurs en partie pour cette raison qu’ils nous rejoignent ! Le côté atypique, le ton décalé et la manière de travailler très opérationnelle, en recherche de performance que nous dégageons sont des éléments décisifs dans leur motivation à travailler avec nous…
Quels exemples vous inspirent, lesquels observez-vous, dans votre secteur ou d'autres ?
A titre personnel, je citerais deux références.
Nike, avec son « Just do it », est une forte source d’inspiration. Chez Germinal, on communique beaucoup sur le fait d’être dans l’action. « On va accomplir de grandes choses… », c’est le message essentiel que l’on souhaite faire passer auprès des entreprises qui veulent améliorer leurs performances en matière d’acquisition. Les sensations, émotions, que l’on peut ressentir en parcourant les contenus de Nike, cette envie immédiate de chausser ses baskets et d’aller transpirer dans la foulée, de passer à l’action, voilà le genre de sensation que l’on aimerait pouvoir procurer !
L’accélérateur de startups The Family produit également du contenu de très grande qualité.
Tu parles d’émotion… a-t-elle un rôle important dans la tonalité éditoriale ?
A fond ! Une phrase circule beaucoup dans le marketing : « Les gens achètent avec leurs émotions et justifient ensuite leur décision par la raison ». Cela est valable aussi en B to B. Le décisionnaire est un être humain ! Faire appel aux émotions est une tendance de plus en plus visible aux Etats-Unis, encore timide en France. L’absence de différenciation entre le « tu » et le « vous » en anglais permet une proximité qui joue certainement…
La tonalité permet la proximité. En parlant à des humains, on dégage l’image d’une entreprise abordable, à qui on peut s’adresser facilement.
En quoi penses-tu que la tonalité, le fameux « tone of voice », participe au succès de la marque ?
La tonalité permet la proximité. En parlant à des humains, on dégage l’image d’une entreprise abordable, à qui on peut s’adresser facilement. Il n’est pas rare que des futurs clients contactent directement les membres de l’équipe via leur profil LinkedIn ! Eviter le formalisme, c’est une clé très efficace…
Quand on fait appel à Germinal, c’est pour engager des budgets conséquents, amorcer une nouvelle stratégie... c'est une démarche "sérieuse" : le fun, la tonalité décalée ne sont-ils pas un frein pour certains clients ?
On a la chance de traiter d’un sujet très technique, et à partir du moment où on maîtrise, on sait de quoi on parle, tout va bien. Nos convictions sont importantes, et nous savons qu’en B to B ce qui fait foi c’est la qualité du travail effectué.
Par ailleurs lorsque nous intervenons, nous respectons totalement la charte du client, qui ils sont, etc. Ils font clairement la part des choses entre l’exigence de nos prestations et la tonalité décalée de notre communication.
Nos clients le disent : nous sommes efficaces, la qualité de nos prestations est indiscutable.
Ce côté fun et décalé part de la conviction que notre travail parle pour nous, et aussi que l’on s’adresse à des humains. Or les gens aiment sourire, rigoler ! Donc ok, on est une entreprise experte dans son domaine, performante, mais ce n’est pas pour autant que l’on va on être ennuyeux en s’adressant à eux ! Notre travail parle pour nous, et on veut aussi être perçus comme une entreprise hyper humaine et abordable.
"Germinal, c’est un état d’esprit direct, sans détour, qui va droit à l’essentiel."
Extrait du Manifeste
Quel est le contenu dont vous êtes le plus fier à Germinal ?
Clairement, notre présence sur LinkedIn : les gens veulent parler à des humains, pas à des entreprises ; notre croissance s’établit beaucoup via nos pages personnelles.
Cela demande un effort de partager des choses… Sur une équipe de 20 à 30 personnes, les gens doivent être prêts à se « mettre en danger », ne pas avoir peur de prendre la parole, parfois de faire une gaffe, subir des commentaires négatifs. Ce n’est pas grave, on affirme en interne le fait qu’à titre perso tu as des convictions, c’est ta parole. On donne de la valeur aux audacieux !
Je suis également très fier de nos manifestes. Ils sont géniaux, parce que tout est là : l’identité de Germinal est dans ces textes. On a fait appel à un prestataire pour les rédiger. On a tellement la tête dans le guidon que c’est important de faire appel à un regard extérieur. Quand ils nous ont présenté le manifeste, on a eu un choc tellement c’était ça, c’était nous !
Lire aussi : Publier sur LinkedIn, la méthode crescendo
Le style éditorial, est-ce un point que vous challengez régulièrement, ou qui fait office de pilier, référence immuable ?
Cet aspect doit être challengé, mais l’ADN doit être préservé, perdurer. C’est la clé pour être mémorisé, s’installer dans les esprits.
Mon idée c’est que dès que l’on se pose une question sur le growth hacking ou les pouvoirs de l’UX dans la performance business, on aille trouver la réponse chez Germinal !
Vous venez de lancer un podcast, vous développez une chaîne Youtube… enrichissant toujours plus votre stratégie de communication. Cela signifie-t-il que même en BtoB, tous les canaux / formats sont exploitables ?
Je le pense. D’ailleurs on se pose la question avec Grégoire de se lancer ou pas sur Tik tok, une démarche qui n’est exactement dans les mœurs en BtoB pour le moment ! On essaye des choses, en appliquant un test and learn permanent. Twitter et Facebook ne sont clairement pas nos leviers les plus puissants, mais on se doit encore de les conserver car ils sont considérés comme des incontournables.
Les podcasts et la chaîne Youtube sont de formidables canaux pour faire passer l’information de manière humaine : on est témoin d’une conversation, on voit nos visages, on a le temps d’aborder des sujets de fond.
Germinal doit être perçu comme un media, et je deviens un peu journaliste de ma boîte ! C’est la meilleure manière de poser notre expertise. Faire de la pédagogie, adopter une stratégie de media 360°, devenir une référence. Mon idée c’est que dès que l’on se pose une question sur le growth hacking ou les pouvoirs de l’UX dans la performance business, on aille trouver la réponse chez Germinal !
Ces formats de contenu sont exigeants, demandent d’investir du temps et des ressources sur le long terme. Est-ce un frein pour toi ?
Je suis patient. Je suis conscient que les résultats prennent du temps, les choses prennent forme petit à petit. Nous avons déjà une audience, ce qui nous a permis de générer plus de 2 000 écoutes sur le premier épisode du podcast Conquête, où j’interviewe des acteurs du marketing sur leurs stratégies, leur organisation, bonnes pratiques, etc.
La visibilité de Germinal s’enrichit de celle de mes interlocuteurs. Les audiences se répondent, se relayent mutuellement. Et grâce aux experts que j’interviewe j’apprends plein de choses ! Au-delà d’une stratégie marketing, c’est un enrichissement personnel.
Que conseillerais-tu à une marque débutante, ou qui cherche un nouveau souffle, pour trouver sa propre tonalité… et la faire vivre ?
Ce n’est pas parce que l’identité n’est pas établie en Jour 1 que c’est mort !
Une bonne idée est de s’inspirer de la personne créatrice de la marque : quand Grégoire parle on a l’impression que c’est la marque qui s’exprime… Les gens incarnent leur entreprise.
Immense merci à Jordan pour son temps, son partage d'expérience🙏
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Et si l'envie de bosser votre tonalité éditoriale vous titille, on peut carrément s'en parler.
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